...... / À l’horizon du guidon, le paysage / ......

 

Il existe

le temps

il existe

l’énergie

la connaissance

les lois physiques, la terre, les routes, la mer.
Il existe l’accueil, après un long voyage.
Et le ciel.

 

Le 22 novembre 2009, Guillaume Dimanche est parti de l'aéroport Charles de Gaulle, pour rejoindre l'aéroport de Copenhague quelques 15 jours plus tard. Car Guillaume Dimanche ne voyage pas en avion, mais à vélo. Il a vu arriver les négociateurs de la 15° Conférence internationale des Nations Unies sur les changements climatiques.

La première période du protocole de Kyoto, et ses objectifs en matière de réduction des gaz à effets de serre, arrive à échéance. Les négociations de Copenhague ont échoué à inaugurer une nouvelle ère, où chacun assumerait enfin ses responsabilités en matière de pollution de l’environnement.
Le post-moderne se clôt sur l'ouverture du post-Kyoto. Espoir d’un changement de paradigme, où

le temps

l’énergie

la connaissance

se trouveraient soudain précipités en une synergie salvatrice, éclairante. Un geste, un élan. Un corps lancé sur la piste d’un paysage présent, cherchant à inaugurer l’avenir.
Le travail de Guillaume Dimanche amorce une voie possible d'un art post-Kyoto. Un art où les outils utilisés et les actions produites sont pensés pour avoir un impact minimum sur la sphère du vivant. Un art qui, sans se détacher de sa valeur sensible, pointe les dysfonctionnements d’un système globalisé essoufflé, arrivé en bout de course.

Mais Guillaume Dimanche, lui, tient la longueur. Celle de la côte de la Mer du Nord. Celle des chemins vicinaux, qui serpentent dans nos paysages européens, plantés de champs, de haies, de centrales nucléaires, de parkings, de zones industrielles.
Et peut-être d’éoliennes, aussi.


« 'Paysage' désigne une partie de territoire telle que perçue pas les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations »
Article 1 de la Convention européenne du paysage, rédigée à Florence, le 20 octobre 2000, signée à ce jour par 35 états membres du Conseil de l'Europe

À travers

le temps

de l'image est cherchée la réalité du lieu : l'aube, la lumière, l'azur et la fumée des cheminées des complexes industriels. L’image-temps capte les paysages traversés, depuis la selle du vélo. Jour après jour, collectées sur la route, elles déploient au-devant de nos yeux ces parties de territoire, quelles qu'elles soient, perçues par un cycliste voyant défiler au-delà de son guidon les résultats variés d'interrelations entre sites et activités humaines.
Chaque coup de pédale entraîne

l’énergie

nécessaire à cerner, par le déplacement, un territoire. Derrière le guidon, on se construit humain, on embrasse le paysage d’un coup d’œil, pour le plaisir, pour avancer, pour se porter plus loin. Là où l’on peut être utile. Apporter un autre message que celui des panneaux publicitaires qui fleurissent les bords de route.
Le message n’est pas encore

la connaissance

mais il rend compte d’un malaise perçu. On s’est trompés de direction, semble nous glisser l’artiste-cycliste. On peut lui faire confiance en matière de direction, lui qui trace ses routes, en découvre certaines, pour finalement ouvrir une voie nouvelle. Les paysages qu’il nous raconte, par ses images et par ses mots, portent les traces d’un présent fébrile et vacillant. Pas encore sûrs de ce que l’avenir leur réserve.
Espérons que les citoyens futurs réceptionnent au passage son message.

 

Emeline Eudes, Docteur en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts, Université Paris 8